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Prun' a rencontré Pauline Chiron, autrice du livre "Pour Sasha, la transphobie tue"
Pauline Chiron a écrit un livre sur sa soeur, Sasha, victime de transphobie. Le 20 mars, à la librairie queer Les Vagues, elle est allée présenter son récit, parler de Sasha et du processus d'écriture qui a accompagné son deuil.
Pour Sasha
Un reportage de Mélina pour Curiocité

« Sasha, ma sœur, depuis que tu es partie, je déborde d’un sentiment d’injustice. Je suis révoltée et déchirée à jamais. (…) À tous∙tes celleux qui pensent que la transphobie n’existe pas, je voudrais qu’iels comprennent que des vies sont fauchées, des ailes coupées en plein vol. Je voudrais que, par le biais de ton histoire, iels réalisent que des drames découlent du rejet sociétal. »

C’est avec ces mots que démarre le livre que Pauline a écrit en mémoire de sa sœur. Quand Sasha est partie, elle a trouvé dans l’écriture un moyen de la garder vivante, mais aussi de lutter contre le silence et la violence dont elle a été victime, pour que son histoire puisse aider celleux qui restent.

Le but premier en me lançant dans l'écriture c'était de faire perdurer sa mémoire (...). Très vite, il y a aussi eu le désir de dénoncer ce qui s'est passé.
—Pauline Chiron

Dans la petite librairie rue de Strasbourg, entourée de ses proches et en réponse aux questions d'Amandine, la libraire, Pauline explique ce qui l'a menée jusqu'à la publication du livre, en février dernier.

C’est d’abord dans un travail d’archives que l'autrice s'est plongée : elle a mobilisé ses souvenirs, ceux de leurs parents, retrouvé des écrits de Sasha, récolté le témoignage de ses ami∙es et réécouté les enregistrements qu’elles avaient réalisés ensemble en vue d’un podcast sur sa transition. Il s’agissait de dresser un portrait le plus fidèle possible de Sasha. Et pour cela, il fallait pour Pauline multiplier les points de vue, mais aussi s’intéresser à tous les aspects de la vie de sa sœur – ses doutes, ses drames, mais aussi ce qui la faisait briller. Dès les premières versions, le texte était accompagné de photos en couleur de Sasha. « Je voulais que le livre soit à son image », explique Pauline, qui souhaitait que les lecteur∙ices puissent rencontrer ou retrouver la personne qu’elle était, « très lumineuse, très généreuse, inspirante, avec beaucoup de créativité ».

Le lendemain matin, dans sa cuisine, elle explique au micro de Mélina qu'elle voulait donner au livre une visée pédagogique, et qu'il est en ce sens le fruit d'un travail collectif. Si elle s’est chargée de récolter les témoignages, de relayer l'histoire de Sasha, elle insiste sur le fait que l’aspect didactique du récit repose sur les textes d'écrivain∙es et militant∙es trans. C’est notamment sur le travail de l’auteur et illustrateur Laurier The Fox et de la militante Lexie que Pauline s’est appuyée pour expliquer les enjeux liés à la transidentité et aux violences systémiques qui y sont liées. « Pour moi c’était très important de m’appuyer sur du contenu créé par des personnes concernées », explique-t-elle. Dès les premières pages, les termes qui peuvent paraître arides aux lecteurices non-inité∙es sont clairement expliqués : « identité de genre », « assignation à la naissance », « transphobie »…

Je m’adresse au grand public, à des personnes pas forcément renseignées et qui, par le biais de l’histoire de Sasha, pourraient comprendre certains termes, certains enjeux.
—Pauline Chiron

Accompagnée d’une chorale féministe pour la présentation de son livre, Pauline explique aussi que la lutte, le partage, la révolte en commun lui ont permis de se relever après le départ de Sasha. Dans le livre, elle insiste sur l’importance de ces moments d’union pour s’insurger mais aussi pour s’apaiser.

« J’ai besoin de ces espaces de lutte où joie et colère cohabitent. J’ai besoin de nouer des relations avec des personnes qui sont aussi révoltées que moi contre le patriarcat et les violences qui en découlent. La rage et la détresse m’ont amenée dans ces espaces et j’y ai trouvé de la joie. J’y verse encore beaucoup de larmes, j’y trouve encore un écho pour mon cœur déchiré, mais j’y tisse aussi des liens et j’y vis des moments de joie. Et c’est comme une revanche. » 

Pour Sasha parle de violence, de transphobie et de deuil, mais c’est aussi un livre sur la joie et sur la renaissance, parce qu’il continue à faire vivre Sasha, qu’il a permis à Pauline de trouver de l’apaisement, et qu’il célèbre la joie militante. Très accessible, il s’adresse à toute personne intéressée par le sujet du deuil, de la transidentité, des luttes, mais aussi par la puissance et les fragilités des liens familiaux – qu’il s’agisse de la famille héritée ou de la famille choisie.

Le livre de Pauline est disponible à la librairie queer Les Vagues ou sur le site des éditions Libertalia. Elle sera présente le mardi 29 avril à Nosig, le centre LGBTQ+ de Nantes pour une nouvelle présentation. Si le sujet vous intéresse, vous pouvez aussi suivre le compte instagram tenu par la mère de Sasha et Pauline, @sassha1406 et vous rapprocher de l'association Contact, qui cherche à faciliter le dialogue entre les personnes LGBTQ+ et leurs familles. 

Publié le
Un article réalisé par : Mélina Juin
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