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[PODCASTS] Comment rester curieux·se dans notre découverte musicale ?
Quand j’ai commencé cette nouvelle émission de radio, je pensais réfléchir avec des invité·e·s à l’influence des supports et des médiums dans la découverte de musique. Il est vite apparu que ce ne serait pas le sujet principal.

Quand j’ai commencé Walkman sur Prun 92FM après trois années d'émission collective sur la scène locale, je pensais réfléchir avec des invité·e·s à l’influence des supports et des médiums dans la découverte de musique.

La cassette, le CD, le MiniDisc, le vinyle ; la radio, la télévision, les magazines ; le streaming, support et média à la fois ; certains endroits comme la médiathèque, l'école, les salles de concerts et les clubs.

Dès les premières émissions, j'ai senti que les réponses de mes invité·e·s m'emmenaient ailleurs ...

  1. ★ L’artiste Philémone parlait de son professeur de musique, un drôle de guitariste, puis des chansons qu’elle faisait écouter à ses propres élèves ;
  2. ☆ La bibliothécaire Manon Borot m'expliquait comment elle choisissait les disques commandés pour la médiathèque de Nantes ;
  3. ★ La journaliste Julie Haméon décortiquait les rouages de la presse musicale papier ;
  4. ☆ L'organisateur et régisseur Vincent Fourdin disséquait la richesse des tops de fin d'année - ceux des blogs, et les nôtres ;
  5. ★ L'organisatrice et DJ Babeth racontait quelques merveilleux souvenirs de ses découvertes de musique pendant des fêtes ;
  6. ☆ La libraire Aurélie Triboulot parcourait ses découvertes de musique dans les livres ;
  7. ★ La chargée de production et d'accueil artiste Valentine Bergeon reprenait, enfin le fil de son expérience de mélomane assidue avec la radio, le cinéma, le disquaire comme médiateurs catalyseurs.

La découverte de musique : un choix conscient ?

Ce qui me frappe le plus après un an d’émission : les biais que nous avons chacun·e dans notre construction musicale. Et les miens en premier.Comment se fait-il que j’ai écouté aussi peu d’artistes féminines et de musique de la grande famille dite black music aux Etats-Unis, ou musique urbaine par ici. Sans grande étude et sur la seule base de ces conversations, il apparait évident que la société et l’industrie musicale toutes entières y jouent un grand rôle.

Walkman #02 : la médiathèque
Walkman

De l’invisibilisation des artistes féminines et des minorités sur les couvertures de magazines aux oublis des recommandations automatiques des plateformes de streaming en passant par le ratio de ces artistes programmé·e·s dans les salles de concerts et festivals, tout est fait pour qu’on écoute plutôt des hommes blancs (allez jusqu’au bout avant de crier au wokisme).

Ou plutôt, rien n’est fait pour qu’on diversifie notre écoute de musique. À l’école, sauf exceptions, on vous dégoûte de la musique classique en vous expliquant que seule celle-ci mérite l’écoute. À la radio, on vous bassine avec les années 80 et de la chanson française, pour respecter les quotas – qui ont leur utilité industrielle. Merci pour les madeleines de Proust collectives, mais à quel prix ?

Dans les magazines – aujourd’hui achetés plutôt par des hommes de 30 à 60 ans, vous avez le plus souvent au menu les meilleurs groupes … de bonhommes, des années 60 à nos jours. Dans les musiques électroniques, dans le jazz, on trouve parfois un poil plus d’ouverture.

Walkman #03 : les magazines musicaux
Walkman

Chez le disquaire si vous y retournez, combien de femmes sont susceptibles d’avoir leur propre boutique?

Chez le libraire, quand vous voulez lire une biographie, serez-vous plutôt Beatles, Bowie, Gainsbourg ou Pink Floyd ? Les collections du Mot et du Reste s’ouvrent petit à petit, c’est notable, mais l’exposition est loin d’être la même.

Walkman #07 : les livres (2/2)
Walkman

Dans la fête, pourquoi les DJ femmes, queer jouent d'abord dans les soirées LGBTQ+

Walkman #05 : la fête
Walkman

Comment rester curieux·se - et s'ouvrir à la différence ?

Il est évident que des progrès sont faits, et qu’il y a encore un long chemin à parcourir, mais en tant que fans de musique, commençons par nous poser cette question : pourquoi mes groupes et artistes préféré·e·s le sont, et comment sont-ils – et peu de fois elles – venu·e·s jusqu’à nous?

Si Eagles est l’un de mes groupes préféré de l’enfance, c’est parce que mon père a acheté et écouté en boucle trois de leurs disques dans les années 80, au moment de leur re-pressage en CD. Je trouve leur musique géniale mais le monde qu’ils représentent est bien loin de mon idéal. Pourquoi suis-je si longtemps passé à côté de Patti Smith, Janis Joplin, PJ Harvey et la soul et du funk dans leur ensemble ?

Cette idée d’émission m’est venu car à trente ans, j’avais l’impression de devenir un vieux con : je réécoutais mes disques d’adolescent et me disais, presque, « ça, c’est de la musique ». La plupart de ces disques étaient américain, ou anglais, produits par des mecs - souvent avec les cheveux longs :).

Ces huit émissions m’ont permis d’ouvrir mon spectre musical à un pan que j’avais, inconsciemment mais négligemment oublié: les artistes féminines, les compositrices, les musiciennes.

J’ai ré-ouvert Le Dictionnaire du rock de Michka Assayas*, le livre sur la musique que j’ai le plus lu, à la recherche de toutes les femmes du rock. Elles sont là, cachées entre les gros blocs consacrés aux mastodontes du rock. Pour eux, les comportements problématiques, autrefois glorifiés dans le sexe, drogue et rock’n’roll, sont souvent excusés par leur génie artistique – mais le plus souvent cités. Dans les introductions des articles dédiés aux femmes, est invariablement décrit au moins un trait physique comme justification de leur succès.

Walkman #06 : les livres (1/2)
Walkman

Sans parler directement d’imposer des quotas au même titre que les chansons en français, interrogeons-nous sur les raisons qui nous font passer à côté de – si ce n’est pas votre cas, bravo d’avoir réussi à esquiver les biais sexistes, racistes de la société.

In my opinion, comme on disait dans les dissertations en anglais, la musique est une fantastique source d’ouverture sur le monde, susceptible d’ouvrir les frontières et d’augmenter la tolérance – vous pouvez adorer la musique d’Elton John même si vous marchez à la Manif pour Tous, non ?

Alors, pour la suite : comment puis-je rester curieux·se ?

À la manière des conseils de Rob Brezny, je vous invite ainsi à retourner découvrir les artistes à côté desquels vous êtes passées dans votre parcours musical. Car ce qui m’anime depuis tout petit, c’est ce frisson à la découverte d’un nouveau morceau, celui que j’aurai envie d’écouter dix fois, vingt fois en boucle. Et qu’il serait triste de se passer d’un morceau merveilleux comme le « Kill Bill » de SZA !

Concernant le wokisme je vous ai menti : je suis tout à fait pour que les producteurs Pygmalion, qui considéraient les chanteuses comme des pépites à façonner à leur goût, à leur vision et surtout à leur envie (sexuelle) disparaissent au profit de multi-talentueux•ses artistes femmes et issues de minorités.

Que les hommes blancs de plus de 30 ans doués, honnêtes et dépourvus de l’envie de harceler ne s’inquiètent pas : il restera toujours de la place pour eux. À condition qu’ils se remettent eux aussi en question. C’est le principe d’une (r)évolution : soit on change avec le monde, soit on en subit les conséquences.

Il se trouve que cette radio elle-même est en pleine évolution dans ce sens ; ce que je ne peux qu'acquiescer à l'écoute des réponses des invité·e·s.

Walkman #08 : la radio, le disquaire, le cinéma, la danse...
Walkman

* version 2001

Publié le
Un article réalisé par : Guillaume De Seigneurens
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Mali Hayes