"N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis." Cette phrase de Simone de Beauvoir, c'est en quelque sorte l'emblème de l'espace qui porte son nom à Nantes. En effet, l'Espace Simone de Beauvoir lutte contre les violences faites aux femmes et milite pour le respect de leurs droits. Au regard des élections législatives qui approchent à grands pas, la présidente Harmony Gouret et le reste de l'équipe ont eu à cœur de créer un dialogue en organisant une conférence-débat, mardi 31 mai.
En tant qu'association féministe, nous avions un devoir d'interpellation politique
souligne Harmony Gouret. Une volonté renforcée par la réélection du président Emmanuel Macron. En effet, alors que celui-ci affirme vouloir à nouveau faire des violences faites aux femmes une des priorités de son quinquennat, les associations féministes regrettent l'absence de mesures concrètes depuis cinq ans.
Six candidates, représentantes ou suppléantes se sont donc rendues disponibles pour venir échanger avec le public et répondre aux questions de Marine Forestier, journaliste indépendante spécialisée sur les sujets d'égalité homme-femme et animatrice de la conférence. Sur scène chacune disposait de son siège : Aude Amadou (Ensemble !), Marie David (Parti Communiste Français), Lucie Etonno (Europe Écologie Les Verts), Marina Ferreruela (La France Insoumise), Anne-Sophie Judalet (Parti socialiste), et Gaëlle Pineau (Rassemblement national).
Une première partie faite de questions/réponses s'est déroulée autour de trois thématiques: l'égalité homme-femme, la protection des droits des femmes et enfin, la lutte contre les violences sexuelles, sexistes ou conjugales. Une seconde partie de débat a permis au public d’interagir avec les participantes et de rebondir sur les propositions formulées au cours de la conférence. Reportage.
Un échange respectueux
Malgré leurs différentes appartenances, les six candidates ont prit le soin de s'écouter et de laisser tout le monde s'exprimer. Marine Forestier, journaliste indépendante et animatrice de la conférence souligne leur professionnalisme. "Elles ont été très respectueuses de chacune, ne se sont pas coupées la parole. Je trouvais ça important que l'on ne soit pas sur un échange à bâtons rompus qui souvent devient assez stérile."
Certains sujets ont d'ailleurs fait l'unanimité : le respect des lois existantes (égalité salariale, parité, violences conjugales), l'instauration de réformes dans l'éducation pour favoriser l'égalité des sexes ou encore la Procréation Médicalement Assistée (PMA) pour toustes. En revanche, d'autres sujets ont provoqué de forts désaccords notamment sur des faits d'actualité : les accusations pour viols formulées contre Damien Abad le ministre des Solidarités. Plusieurs des participantes accusaient le gouvernement de ne pas l'avoir écarté directement après l'annonce de ces poursuites. Les désaccords ont aussi porté sur le Burkini: le 16 mai dernier, la mairie de Grenoble a voté l'autorisation pour les femmes de porter le burkini ou le monokini au sein des piscines municipales de la ville. Entre "idéologie" "laïcité" ou simple "taille de maillot de bain" les esprits se sont quelques peu échauffés.
Durant le débat avec le public, une thématique était largement en tête : la prostitution. Cette dernière a provoqué de vifs échanges entres participantes et participants qui ont souhaité éclaircir certains aspects : notamment l’abrogation de la loi de 2016 pénalisant les clients. C'est la candidate, Marina Ferreruela (La France Insoumise) qui l'a abordée à la suite d'une question sur la protection des majeur.s et mineur.e.s dans la prostitution. Cette abrogation étant dans le programme de la NUPES (Nouvelle Union Écologique et Sociale), la candidate a souhaité l'évoquer comme potentielle solution de réglementation et d'accompagnement des personnes concernées.
Si elle s'attendait au soutien des autres candidates présentes et membres de l'union, elle s'est retrouvée relativement démunie face à une forte indignation des premiers rangs du publics. Entre les différentes générations de militant.e.s, les avis divergent sur les lois et les termes. Notamment celui de "travailleur.euse.s su sexe" qui selon certain.e.s reste une insulte pour le corps de la femme qui ne devrait pas être l'objet d'une profession.
"Beaucoup de paroles mais peu de concret"
Ce sont les mots de la plupart des personnes s'étant déplacées pour venir assister au débat comme l'affirme Mélissa. "Je pense que les candidat NUPES ( Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale ), vu qu'ils se basent sur un programme, sont plus préparés, ils ont des décisions, des lois, des mesures concrètes applicables tout de suite. La République en Marche, c'est bien, c'est des observations, pas assez poussées pendant cinq ans. Mais en attendant [...] ils ont eu le pouvoir et ils n'ont pas été jusqu'au bout. Donc c'est bien beau de constater que c'est pas suffisant." Et ce n'est pas son amie qui dira le contraire. "Sur les questions d'égalité homme-femme, il n'y avait pas forcément de choses vraiment concrètes..."
Un avis partagé par la présidente de l'Espace Simone de Beauvoir, Harmony Gouret : " Il y a une urgence totale à parler de ces questions. Mon regard critique de militante de terrain me fait dire qu'aujourd'hui il y beaucoup de constats. Franchement en deux heures de débats, il y a vraiment peu de choses concrètes. Tous les candidat.e.s n'étaient pas présent.e.s ce soir, mais on le voit quand même, il y a une réelle urgence."
Valentin, vice-président du centre pour les LGBTQIA+ de Nantes ( Nosig ) est quant à lui déçu, du manque de connaissances sur certains sujets notamment concernant les personnes LGBTQIA+ et par rapport à la question qu'il a pu poser durant l'échange, sur la simplification des procédures administratives pour faire reconnaître son genre légalement.
Je n'ai pas eu les réponses à mes questions. Je pense que certaines candidates devraient mieux s'informer... Notamment le Rassemblement National qui a parlé des hommes, des femmes et des personnes LGBTQIA+, donc on est à part ?
Tout le monde reste néanmoins unanime sur l'importance de ce genre de rendez-vous démocratique, qui permet non seulement d'informer les participants mais aussi d'échanger ensemble sur des programmes comme l'explique Marine Forestier. "C'est toujours intéressant même pour les candidates. Parfois ça leur donne des idées, cela a été le cas ce soir pour l'une d'entre elle suite à la remarque d'une personne du public."
L'Espace Simone de Beauvoir reste également satisfait de l'évènement : "Si ça peut permettre à une poignée de personnes d’avoir de nouvelles clefs de lecture par rapport à ces questions là qui sont fondamentales [...] je pense qu'on a rempli notre rôle", conclut Harmony Gouret, présidente de l'association.
Crédit photo : Espace Simone de Beauvoir.
Article et reportage réalisés par Margaux Harivel.