Mardi 18 janvier, nous avons accueilli, dans notre Curiocité consacré à la vie étudiante, Nathan et Thomas, membres du syndicat Solidaires Étudiant·e·s Nantes. L'occasion de revenir sur la mise en place d’une plateforme d’admission en master annoncée par le Ministère de l’Enseignement supérieur.
Un projet vivement contesté par plusieurs organisations et syndicats du secteur.
Outre la demande d’annulation du projet, les membres du syndicat Solidaire.s Étudiant.e.s Nantes ont aussi évoqué les nombreuses problématiques liées à la mise en place de cette nouvelle plateforme d’admission en master.
Un projet inspiré du modèle de Parcoursup pour les masters
« Le projet se basait sur la plateforme déjà existante « trouvermonmaster.gouv.fr », le site internet regroupant l’ensemble des diplômes nationaux de master proposés par les établissements d’enseignement supérieur. « L’objectif du Ministère de l’Enseignement supérieur avec cette nouvelle plateforme était de centraliser et harmoniser les délais de candidatures des étudiant·e·s », le tout, « sur un calendrier très serré puisqu’on aurait dû avoir une application dès mars […] avec l’adoption ensuite d’un algorithme de tri comme on a pu l’avoir sur Parcoursup » nous explique Thomas.
Selon les deux étudiants du syndicat, la mise en place de cette nouvelle plateforme d’admission en master constitue
un processus de tri social à l’entrée à l’université
et « s’inscrit dans la libéralisation de l’enseignement supérieur ». Une libéralisation de l’enseignement supérieur qu’ils dénoncent car elle reflète « des logiques de marchés » s’introduisant dans un service public. Solidaires Étudiant·e·s Nantes estimant que le Gouvernement souhaite « remplacer » le service public offert par l’Université en « un service de marchandise rentable ».
Un processus qui met en concurrence les étudiant.e.s
Avec ce processus de libéralisation de l’enseignement supérieur - que l’on retrouve notamment avec le classement de Shanghai- permettant à certaines universités mieux classées d’obtenir de la renommée pour attirer les investissements à projets - ce sont les universités, les laboratoires de recherche et ensuite les étudiant.es qui sont mis en concurrence les uns avec les autres.
Selon Thomas, « L’alignement sur le mécanisme du marché se fait à toutes les échelles […] en mettant les universités en concurrence entre elles pour obtenir des financements », rajoutant :« [Qu’avec] les questions d’appel à projets […] on a des concurrences entre les laboratoires pour la recherche, […] entre les chercheur·e·s pour les publications [et] une concurrence chez les étudiant.e.s que l’on retrouve au niveau de la sélection ».
Sur ce sujet, le journal Le Mondeindiquait l’année dernière que le bond du taux de réussite en troisième année de licence était dû notamment à des partiels passées en distanciel. Ce qui explique aussi une forte augmentation du nombre de candidat·e·s pour des masters très sélectifs et aux places limitées.
"On s'opposera à toute forme de sélection"
Lorsqu’on leur pose la question, la position des membres du syndicat sur ce projet de plateforme est clair : « On est contre le principe de la sélection, donc par définition on s’opposera à toute forme d’introduction de cette sélection ». Le principal problème qu’ils mentionnent, c’est celui du manque de place : « La difficulté aujourd’hui, c’est le question du manque de places en master […] et la réponse elle n’est pas très compliquée, il faut créer des places.». Ils poursuivent en expliquant : « [Qu’on] a aujourd’hui plus de personnes qui entrent à l’université qu’il y a vingt ans et les budgets ont, sur ces vingt ans là, plutôt baissé. Donc évidemment,
le budget moyen par étudiant·e baisse
et donc le nombre de places qui permettrait d’accueillir les personnes qui voudraient poursuivre en master n’est pas suffisant. ». A noter que, selon les chiffres du Ministère de l’Enseignement supérieur relatés dans le journal Le Monde : entre les rentrées 2010 et 2019 le nombre d’étudiant·e·s a progressé de 155.000 tandis qu’il n’augmentait que de 70.000 en master.
En 2019 - 2020 on comptait un million d’étudiant·e·s en licence contre moitié moins, 580.000 en master. Ainsi, Le Monde expliquait en janvier 2021 que les procédures de recours d’étudiant.e.s auprès du rectorat avait augmenté significativement. Les chiffres s’élevant à plus de 7.000 voir 10.000 en 2020 si on compte les demandes d’entrées en master non traitées ou rejetées.
Une proposition : le salaire étudiant
Le syndicat Solidaire.s Étudiant.e.s Nantes milite pour la proposition d’un salaire étudiant notamment pour aider les étudiant·e·s les plus précaires.
« Le problème de l’argent est très important pour les étudiant.e.s et nous ce qu’on propose c’est un salaire étudiant […] c’est déjà le cas dans des formations élitistes notamment à l’ENS (École Normale Supérieure) où le statut de normalien permet d’avoir droit à un salaire ». Des revendications, qui s’obtiennent non sans difficultés, il va falloir « se mobiliser » nous disent-ils, rajoutant « [que] c’est obligatoire pour la réussite des enfants d’ouvriers qui sont beaucoup moins nombreux que les fils de cadres en master, 76 % d’enfants de cadres contre 47 % d’enfants d’ouvriers [...] ont accès à l’université. ».
Un article écrit par Antoine Camara.